Encyclique "Les Graves Evenements"

Pie XII,

Evêque de Rome,

Vicaire de Jésus Christ,

Successeur du prince des apôtres,

Chef suprême de l'Église,

Souverain Pontife de l'Église universelle,

Primat d'Italie,

Archevêque métropolite de la Province romaine,

Souverain de l'État de la Cité du Vatican,

Serviteur des serviteurs de Dieu,

Patriarche d'Occident,


A Nos vénérés Frères les Cardinaux, Archevêques et Evêques de France, au Clergé et au Peuple français, Vénérables Frères, Bien-aimés Fils, Salut et bénédiction apostolique,


Les évènements qui se précipitent en votre noble pays Nous amènent à adresser la parole à l'Eglise de France afin de la soutenir dans son œuvre d'apaisement des passions. C'est en effet lorsque la discorde naît entre les fils que le père bienveillant se doit plus que jamais pencher vers eux.

Par conséquent, lorsque Nous voyons enfler un vent lourd de menaces sur la France, du fond de Notre âme paternelle, les flots de tendresse doivent jaillir avec plus d'abondance et aller vers vous plus rassurants et plus doux.

Ces menaces, Vénérables Frères et bien-aimés Fils, ont un écho douloureux dans toute la Chrétienté, mais Nous les ressentons d'une manière plus vive encore et Notre tendresse, qui croît avec le péril, semble grandir chaque jour.

Lorsque les fils se lèvent contre les fils, lorsque les frères se lèvent contre les frères, lorsque l'incompréhension crée la colère, lorsque la colère engendre l'épreuve de la force, Notre âme s'alarme et Notre cœur saigne abondamment.

Pour apaiser ces maux cruels, Dieu a accordé une consolation on ne peut plus précieuse à Notre cœur. Elle Nous vient de votre Foi inébranlable, de votre attachement indéfectible à la Sainte-Eglise, de votre fidélité sans bornes au Bienheureux-Siège Apostolique. De cette fidélité, Nous ne pouvons douter, car Nous connaissons trop la noblesse et la générosité du cœur français pour avoir à craindre une trop longue désunion entre vos rangs.

De ces maux, Nous n’éprouvons pas moins cependant une tristesse immense devant le spectacle douloureux de votre discorde à la face de la France tout entière, et Nous vous exhortons solennellement à retrouver les mots de l’affection et de la sage intelligence parmi toutes vos divergences.

Le recours à Dieu infiniment bons est d’autant plus nécessaire que, loin de s’apaiser, la lutte s’accentue et croît de jour en jour, et avec elle croît un péril plus grand encore, l’anéantissement de la France par les forces du chaos. Fille aînée de la Sainte-Eglise ! Le phare de l’église catholique romaine s’écroulera-t-il, plongeant irrémédiablement le monde dans les ténèbres ? Le rôle civilisateur de votre patrie devra-t-il être relevé par d’autres ? Ô doux et noble nom de France, porté si haut par le Père, seras-tu abandonné par Tes fils ?

Au fur et à mesure qu’elle se déroulera, la lutte fera éclore des épreuves plus dures encore que celles que vous avez jamais connues, vous devez vous y préparer. Cette lutte fratricide laissera un champ de bataille dévasté et des monceaux de vaincus, sans autre vainqueur que les forces du Mal.

Le Saint-Père que Nous sommes, par la volonté suprême de Dieu, ne peut se résoudre à cette catastrophe. Aussi, c’est d'un cœur compatissant que Nous vous supplions du haut de Notre Siège, et de toute Notre paternelle affection, de retrouver les voies de la sagesse et de la concorde, en mettant un terme heureux aux troubles qui guettent votre précieuse nation, pour l’Amour de Jésus Christ et Ses éternels enseignements.

Nous ne voulons humilier aucun d’entre vous, ni démêler les raisons, bonnes entre toutes, des différents partis qui vous opposent. Notre préoccupation et Notre impérieux devoir est de veiller à la sauvegarde de l’œuvre intangible de notre Seigneur. Il sait la force de Notre immense tendresse, ô Fils bien-aimés, et Nous ne réclamons de Nos vœux que l’esprit d’amour et de paix sur votre bonne terre de France.

Nous ne saurions agir autrement sans fouler aux pieds Notre conscience, sans manquer au serment que Nous avons prêté en accédant au Trône de Saint – Pierre et sans violer la hiérarchie catholique, base offerte à l’Eglise par notre Seigneur. Et c’est les yeux immuablement fixés sur les souverains désirs divins que Nous vous adressons cette exhortation, puisque d’eux seuls provient la sauvegarde de ce monde ici-bas.

Nous avons la ferme espérance d’être entendu de vous, ô Fils bien-aimés, et c’est du fond de l’âme que Nous vous accordons Notre bénédiction apostolique, à vous, Vénérables Frères, ainsi qu’à votre clergé et au Peuple français tout entier.


Fait et donné à Rome, le 09 Janvier de l'année 1910, sous l'auspice de Dieu.
Fait à Rome,
En la Chapelle Sixtine,

+PIUS XII+